DEUX SEMAINES DE RENDEZ-VOUS MÉDICAUX (A PARIS) EN PLEIN COVID [1]


Certaines élues ont pu récemment redécouvrir la joie simple du cinéma puisque parait-il le Covid est fini. Vous m’en voyez fort aise.

Pour ma part, ce sont les joies des cabinets médicaux, des laboratoires d’analyses, des hôpitaux et autres cliniques que je redécouvre. J’enchaîne les « pépins » de santé depuis quelques semaines et je n’ai plus tellement le choix. Je dois faire ce que je déteste le plus : m’occuper de ma santé, prendre soin de moi.

Dès début novembre, j’ai ainsi eu le plaisir de mesurer concrètement le degré de désinformation et de Yolo concernant le Covid dans tous les lieux de santé. Je l’ai observé, d’abord, dans les laboratoires d’analyses médicales, où le port du masque était très aléatoire, pour ne pas dire quasi-inexistant, pour les patients comme pour le personnel, y compris dans les laboratoires qui font des PCR (je dis bien des PCR !!!). Puis, partout ailleurs.

Pour que vous vous fassiez une petite idée, je m’en vais vous conter mes deux dernières semaines.

Mardi 15 novembre : La pharmacie.

Me voici dans ma pharmacie préférée pour recevoir le nouveau vaccin contre le Covid. Le vaccin bivalent. Une semaine après avoir fait celui de la grippe.

Je veux être vaccinée rapidement pour le cas où mes autres problèmes de santé m’obligeraient à me faire hospitaliser ou pire… à me rendre aux urgences.

Le vaccin bivalent, soit-dit en passant, j’ai eu du mal à mettre la main dessus parce que figurez-vous que les pharmacies de mon quartier ne vaccinent contre le Covid qu’une fois par semaine. Il faut connaître le jour de la semaine concerné, parfois prendre rendez-vous, dans la pharmacie que vous avez choisie et ne pas se louper. Sinon, il va vous falloir attendre encore une semaine ou errer de pharmacies en pharmacies en espérant tomber le bon jour. Bref, galérer.

Le motif ? Pas assez de demandes selon les pharmacies que j’ai interrogés. Tout le monde s’en tamponne du vaccin Covid, figurez-vous ! Le Covid ce n’est rien. Le Covid c’est bénin. Le Covid c’est un rhume. Le Covid c’est fini, on vous dit. 

A la pharmacie, je constate qu’aucun des pharmaciens présents ne portent de masque. Je demande innocemment [2] pourquoi.

Réponse : « il y a le plexi et on aère. » Ils sont pharmaciens (et même parmi les plus sérieux et sympa du coin). Ils sont pharmaciens mais comme de très nombreux pharmaciens (j’ai fait plusieurs pharmacies ce mois-ci), ils n’ont manifestement pas encore compris que le plexi ne protège de rien et que le Covid est un virus AEROPORTÉ.

Aéroporté, définition [3] : « Se dit d’une maladie infectieuse (rougeole ou grippe, par exemple) dont la transmission peut se faire par voie aérienne (toux, éternuements, parole, respiration, etc.) ; se dit de ce mode de transmission lui-même. »

Heureusement, le pharmacien qui me vaccine met le masque pour cette grande occasion. La semaine précédente, dans une autre pharmacie, j’ai reçu mon vaccin contre la grippe dans les mêmes conditions c’est-à-dire dans une pharmacie où personne ne portait de masques sauf la personne chargée des vaccins.

Jeudi 17 novembre : L’hôpital.

Je me rends à l’hôpital pour des soins dentaires au long cours débutés il y a plusieurs mois. Un rendez-vous, qui, comme à chaque fois m’angoisse au plus haut point et pour cause : le dentiste est le seul médecin devant lequel je suis obligée d’enlever mon masque.

A mon arrivée, la salle de soin est pleine de dentistes qui discutent convivialement avec leurs masques -en majorité chirurgicaux- SOUS le nez. Des masques chirurgicaux d’entrée de jeu ça m’échappe comme choix pour des médecins, qui plus est des dentistes. Les masques ffp2 sont sans comparaison en termes de protection.

Je commence à paniquer. J’entre en disant « il n’y a pas beaucoup de gens qui portent bien leurs masques par ici. » Ma dentiste auprès de laquelle j’ai beaucoup insisté sur le Covid comprends le message. Elle sait que je suis anxieuse à ce sujet. A peine ses collègues sortis, elle ouvre grand la fenêtre pour aérer la salle.

Cette séance de soins nécessite l’avis de plusieurs praticiens (mon cas est compliqué [4]). Ils vont et viennent. Avec tous ces dentistes autour de moi, je ne pense qu’à une seule chose : le Covid.

L’avis d’un Professeur pour trancher une décision est requis. Il arrive pour m’examiner avec un masque chirurgical qui me semble peu stable sur son nez et qui commence à glisser. Il m’examine une première fois. Je me retiens de faire la moindre remarque. Il m’examine une deuxième et je craque. Je demande à son éminence le grand professeur de remonter son masque mal ajusté. Je lui dis en conclusion : « s’il vous plaît, je vous en supplie » en prenant ma voix la plus douce [5] – celle des cas désespérés – pour ne pas froisser ce grand homme. Les hommes sont très fragiles. Nous avons déjà parlé. Ils sont où plutôt leur égo est une fleur des plus délicate. Si ce sont de grands Professeurs en médecine ou de grands Avocats, n’en parlons pas…

Je ne sais pas comment il prend ma remarque. Il a l’air interloqué et légèrement saoulé mais il s’exécute en me demandant « comme ça ? » « Oui… merci »

Pendant que les dentistes m’examinent, j’essaie de ne pas respirer. L’idée n’est pas très brillante – et, en plus, je n’y arrive pas – mais c’est la seule qui me vient à l’esprit. Durant toute la consultation, je demande aussi à ma dentiste d’ouvrir et fermer la fenêtre toutes les 15 minutes environ. Cette idée-là est bien meilleure, je vous l’accorde, et heureusement ma dentiste accepte. La fenêtre étant souvent ouverte, j’ai froid. Toute cette matinée à l’hôpital, j’hésite. Mon cœur balance. Est-ce que je préfère risquer de choper la crève [6] ou est-ce que je préfère risquer de choper le Covid ? Cornélien. Je n’arrive pas à me décider.

La fin de cette longue consultation arrive. On me fixe un prochain rdv et on cherche le nom de l’étudiant qui se chargera de la chirurgie. Pour rigoler je précise : « je veux le meilleur ! [7] »

Je rigole moins, par contre, en cherchant un taxi au retour [8] et en observant que celui que je trouve -bien évidemment- ne porte pas de masques, comme la plupart des taxis à Paris. Un masque ? Pour quoi faire ? Dans le taxi j’applique le : « Ça ne vous ennuie pas si on ouvre un peu la fenêtre ? » Je sens que cette phrase va devenir ma nouvelle phrase préférée dans les taxis et… partout.

Vendredi 18 novembre : La clinique.

Aujourd’hui, j’ai rendez-vous dans une clinique. Elle se trouve dans un arrondissement limitrophe. Pour faire des économies [9], j’y vais « à pieds » accompagnée de mon auxiliaire de vie.

A la clinique la plupart des gens, patients comme personnel, portent (plus ou moins bien) des masques chirurgicaux. Est-ce que la spécialiste qui me reçoit porte un masque ou pas ? Je crois que oui mais je ne sais plus, je n’arrive plus à me concentrer tellement je suis surprise et assommée par ce qu’elle m’annonce.

Mercredi 23 novembre : Mon chirurgien et la (re)clinique du coin

Je suis épuisée. Je n’ai pas le temps de digérer quoi ce que soit en ce moment pour ce qui est de ma « santé » qu’aussitôt rebelote.

Je dois traiter un problème autre qui ne fait que s’aggraver mais je n’ai pas pu traiter les semaines précédentes. Cette fois, je dois aller chez mon chirurgien. Je dis « mon » chirurgien parce qu’il me connaît depuis que j’ai 2 an et demi. C’est lui qui m’a opéré durant toute mon enfance et mon adolescence. Une éminence aussi. Je le mentionne sans ironie. Il est une référence incontournable en France pour toutes les personnes ayant ma maladie.

Il me reçoit dans un délai record et je l’en remercie. Par contre… il ne porte pas de masque du tout (ses patients non plus). Nos relations n’ont pas toujours été simples, il m’a fixé un rendez-vous très rapidement, j’angoisse depuis des jours, est-ce vraiment le moment de lui parler de cette absence de masque incompréhensible à mes yeux ? Peut-être qu’il vaut mieux attendre.

Pour comprendre ce que j’ai, il faut faire une radio. C’est parti, pour la clinique qui est à deux pas et avec laquelle il travaille. Sur place, tous les patients sont masqués. En revanche, pour ce qui est du personnel… ils ont tous des masques chirurgicaux SOUS le nez.

Le climat en salle d’attente est tendu. Il y a un problème technique. Le scanner ne marche pas. Ils ont appelé le réparateur. Certains patients qui viennent pour le scanner sont à bout et l’un d’entre eux se fâche. Il porte un masque ffp2. Il mentionne qu’il a un cancer. Il répète « je suis dans la merde ! »

J’attends pour la radio. Je pense à Macron. Bizarre ? Oui je sais, mais je ne peux m’en empêcher. Je pense à la responsabilité dans ce bordel incluant (sans être exhaustive) : la gestion catastrophique du Covid, l’effondrement de notre système de santé, l’air nauséabond et toxique chargé en agressivité que nous respirons partout, dans le secteur public comme privé.

Au moment de passer pour la radio, mon chirurgien arrive pour donner les instructions lui-même. Il fait une réflexion sur la clim, il a peur d’avoir froid. Je l’ai d’ailleurs entendu tousser tout à l’heure dans son bureau. Ne serait-ce pas le moment de placer : « Vous êtes malade Monsieur F. ? » et d’évoquer le masque. Si, c’est le moment. Je trouve la force dans les dernières réserves qu’il me reste. A ma question sur son état de santé, il répond : « je suis malade tout le temps en ce moment. » « Vous devriez peut-être porter un masque ? » « Peut-être… »

Les radios faites, il repart à son Cabinet. De mon côté, je reste pour récupérer le dossier. Avant de partir, j’ai envie de laisser un message au personnel de cette clinique. A l’accueil du service « Imagerie », je m’adresse à la dame qui détient ma carte vitale :

« Madame, je sais que je n’ai pas d’instructions à vous donner et que vous êtes tous des professionnels de santé, mais je voudrais vous dire que le masque est important. Il est important pour vous, pour vous proches et pour vos patients. Personne dans le personnel ici ne porte son masque correctement. Vos patients n’ont pas besoin d’avoir le Covid, ni avant, ni pendant, ni après une éventuelle intervention. Je vous en prie. Mettez bien vos masques. »

Elle me répond en réajustant son masque « oui, je sais, vous avez raison. »

Je rejoins mon chirurgien à son Cabinet pour le verdict. Les nouvelles ne sont pas aussi mauvaises que l’imaginais, je respire un peu mieux. Le matériel qu’il a placé lui-même dans mon corps n’a pas bougé. Nous sommes partis sur une théorie qui n’est pas la bonne mais il fallait quand même la vérifier.

Avant de le quitter, je lui parle à nouveau du masque et de son importance pour lui et ses patients. Il acquiesce en apparence. Néanmoins, il précise « Il me gêne, je n’arrive pas à le garder. » Argument classique mais un peu déconcertant venant d’un chirurgien qui a travaillé toute sa vie au bloc avec un masque. « Si je peux le faire, vous le pouvez aussi Monsieur F. [10] » Il est d’accord. Je lui parle des études qui tombent sur les conséquences du Covid et des problèmes supplémentaires que cela pose en plus dans le cadre d’un suivi médical comme le mien. Il me regarde comme si je lui parlais des extraterrestres ou de mon horoscope. Bref, d’un truc qui ne l’intéresse pas des masses, auquel il ne croit pas beaucoup et qui ne changera rien à ses habitudes.

La consultation est terminée et il ne mettra pas de masque.

***

Être correctement soignée avant le Covid était une gageure pour n’importe quelle personne handicapée [11]. En pleine pandémie et surtout de déni autour de la pandémie, cela relève désormais du cauchemar. Il faut réussir la prouesse de se faire diagnostiquer et soigner sans choper le cadeau bonux qui se trouve au fond du paquet : le Covid. Et ce, alors que toutes les mesures de protections ont été levées et que tout le monde pense, y compris une bonne partie des professionnels de santé, que le Covid n’est plus un sujet.

Chaque sortie est un enfer pour qui est un tant soit peu conscient du danger et a déjà des problèmes de santé. Chaque sortie est une prise de risque à sous-peser et à calculer savamment. Nous ne sommes plus en sécurité nulle part, même pas dans les locaux consacrés à la santé alors que ce sont quasiment les seuls endroits que nous continuons à fréquenter. Nous ne sommes plus en sécurité chez nous, quand nos proches, nos familles, nos aidants eux-mêmes refusent de prendre des précautions qui nous semblent élémentaires mais qu’ils jugent inutiles. Nos sorties de loisirs n’existent quasiment plus. Elles ne peuvent plus se dérouler en intérieur. Les cinémas sont loin, très loin, de nos préoccupations. Nos déplacements sont limités aux soins et au travail, pour celles et ceux qui peuvent encore exercer une activité. 

L’usure est réelle, palpable, insupportable. Elle l’est pour nous tous qui sommes malades/handicapées et à fortiori pour toutes celles et ceux qui ont les problèmes de santé les plus graves et/ou qui sont immunodéprimés.

NOUS n’avons jamais été aussi seuls et abandonnés de tous.

NOUS n’avons jamais été autant dans la survie au sens le plus littéral du terme.

VOUS, qui ne vous sentez pas concernée par le Covid, en refusant de respecter les mesures sanitaires de prévention qui sont à votre portée, que ce soit par principe, ignorance, désintérêt ou inconscience, vous nous exposez inutilement au risque d’être infecté et réinfecté, par le Covid.

VOUS, qui ne vous sentez pas concerné par le Covid, vous nous torturez psychologiquement chaque jour en nous obligeant à vivre dans la peur et l’hypervigilance.

VOUS, qui ne vous sentez pas concerné par le Covid, vous contribuez à détériorer davantage notre état de santé physique et moral déjà laminé par 3 ans de pandémie.

VOUS, qui ne vous sentez pas concerné par le Covid, êtes devenus que vous le vouliez ou non, nos bourreaux quotidiens [12].

Que fait-on face à ses bourreaux lorsque l’on veut survivre ? Je vous le demande ? On peut accepter son sort. On peut prier. On peut les supplier. Comme chez le dentiste, je choisi la dernière option pour aujourd’hui.

PAR PITIÉ. JE VOUS EN PRIE. JE VOUS EN SUPPLIE :

Exigez avec nous le rétablissement de toutes les mesures de protection et une politique de santé publique qui tiennent compte de la réalité du Covid.

Organisez l’autodéfense sanitaire en attendant sa mise en place.

Ou à minima, je dis bien à minima…

Vaccinez-vous.

Mettez vos masques.

Ouvrez les fenêtres.

Et fermez vos bouches ! [13]


[1] Pour ceux qui n’auraient pas suivi : en pleine 9ème vague du Covid.

[2] Je suis très innocente.

[3] Je tiens à remercier solennellement le Larousse.fr pour sa précieuse et toujours utile contribution.

[4] Le plus sympa quand votre cas est compliqué c’est quand ils discutent technique devant vous, comme si vous n’étiez pas là.

[5] Je dois aller la chercher très loin celle-là. Je l’utilise tellement peu. J’aurais aussi pu utiliser la stratégie du « oh mince, votre masque a glissé on dirait ! » testé et approuvé avec un infirmier de SOS médecin.

[6] Une crève qui a elle toute seule pourrait suffire à me tuer si elle dégénère compte-tenu de mon insuffisance respiratoire.

[7] Pas celui qui n’écoute rien et qui dort au fond de la classe parce qu’il aurait « voulu être un artiste. »

[8] Je passe sur ma difficulté à trouver un taxi conventionné pour rentrer chez moi que, comme David Vincent, jamais je ne trouvâ. Je vous épargne également mes commentaires sur sa conduite « fast & furious » et son prix exorbitant. Oublions également la question délicate de la circulation à Paris. Je peux juste vous assurez qu’il y a une catégorie de personnes pour qui elle ne s’est pas améliorée ce sont les personnes handicapées.

[9] Plus assez de thunes pour ne prendre que des taxis.

[10] Je prononce cette phrase alors que je porte moi-même un ffp3 qui me cisaille le visage.

[11] Permettez que je vous informe de l’existence de quelques ressources sur ce point : https://www.complementaire-sante-solidaire.gouv.fr/fichier-utilisateur/fichiers/Rapport2018-acc%C3%A8s%20aux%20soins%20PP%20et%20PH.pdf ; https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-pjacob-0306-macarlotti.pdf ;  https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2009-01/audition_publique_acces_soins_personnes_handicap_22_23102008.pdf

[12] Vous êtes d’ailleurs devenus vos propres bourreaux et bientôt viendra le temps où vous le réaliserez. 

[13] Oups…

Publicité